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Droit à l'alimentation: Vers la décennie des ignames?
Une denrée agricole authentiquement ancestrale
Avant l’arrivée des bantu, des Soudanais et des Nilotiques, dans les campements Pygmées de l’actuelle République démocratique du Congo, on mangeait les ignames et beaucoup d’autres produits forestiers non ligneux (PFNL).
Apport nutritionnel de 100 gr d'igname: |
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Valeur énergétique: 101.9 Cal |
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Selon les experts, l’igname contient jusqu’à 8 fois plus de protéines que le manioc. Il combat la kwashiorkor sans provoquer de maladie ni aucune autre forme d’empoisonnement. |
Avant l’arrivée des Portugais au Congo, et avec eux de quelques variétés de manioc, dans les empires, les royaumes, les chefferies, les villages et les campements de l’actuelle RDC, on mangeait des ignames, des bananes, des coléus, des pois de senteur sauvages (Sphenostylis stenocarpa), et des produits forestiers non ligneux, etc.
Selon le ministère congolais de l’agriculture, le manioc occupe 73% de la production vivrière, suivi par les bananes (8%), le maïs (4%), le riz (2%) et la patate douce (2%). Les ignames doivent se trouver environ dans les 1%.
Avant 2021, après une "décennie nationale des ignames", la production d’ignames comestibles devrait atteindre 8%, comme les bananes, diversifiant et améliorant quantitativement et surtout qualitativement la ration alimentaire de dizaines de millions de Congolais.
Une culture avec beaucoup de potentialités
On se rend compte que depuis 20 ans ou plus, le manioc est en crise à répétitions: maladies virales, et autres. Comme il représente 73% des productions vivrières de la RDC, il a semblé logique de s’empresser à son chevet, d’où de nombreux projets nationaux et internationaux : sélection de variétés résistantes locales, introduction et acclimatation de variétés étrangères, …
Il serait grand temps de compléter ces interventions curatives par un vaste programme de diversification des tubercules alimentaires et de ramener les ignames au moins à un rang équivalent à celui de la banane (8%). Les changements climatiques en cours fournissent aussi des arguments dans le même sens, celui de la promotion de l’agro-biodiversité. Rappelons-nous aussi que, selon les espèces et les variétés, les ignames contiennent jusqu’à 8 fois plus de protéines que le manioc. Pour les nutritionnistes, plus une alimentation est variée, meilleure elle est.
En outre, d’autres acteurs non étatiques aimeraient aussi voir l’Etat mettre à la disposition des moyens appropriés pour promouvoir la filière igname: créer un réseau Ignames, un fonds pour le développement de la filière ignames, l’incorporation de l’igname comme culture alimentaire prioritaire en RDC, la création des points de vente des ignames, l’information et la formation sur la filière ignames et sa vulgarisation, etc.
Les ignames appartiennent toutes au genre Dioscorea qui compte environ 600 espèces connues à ce jour. Etant présentes depuis toujours, c’est à dire depuis des temps immémoriaux en RDC et en Afrique, les ignames possèdent une grande richesse et une très large diversité génétique (c’est à dire beaucoup d’espèces et d’innombrables variétés cultivées et sauvages, de cueillette), ce qui n’est pas le cas du manioc venu il y a 5 siècles seulement, en petite quantité, d’Amérique du Sud sur les bateaux des négriers effectuant leur commerce triangulaire.
Igname du jardin de la paroisse Ste Marie de Kimwenza-KINSHASA en 2012 |
Les ignames peuvent produire plus de 20 tonnes à l’hectare en moins d’un an et se conservent assez facilement plusieurs mois. Leur valeur marchande est actuellement supérieure à celle du manioc en RDC. En général, les ignames ne doivent pas subir de détoxification comme le manioc. Elles poussent en savane (les espèces cultivées) comme en foret (surtout les espèces sauvages, de protoculture et de cueillette). On compte de 8 à 10 espèces cultivées en RD Congo. Les pygmées pratiquent la protoculture forestière de plusieurs espèces de cette plante.
Les jeunes pousses et les feuilles de quelques espèces sont aussi consommées traditionnellement en RDC et ailleurs en Afrique.
A quand la journée, l’année et même la décennie des ignames?
Jacques J. Paulus S. J.
Professeur à l’Unité d'Ecodéveloppement et d’Ethnobiologie
Université de Kinshasa - Unikin
Directeur de l’ONG JEEP (Jardins et Elevage de parcelles)